Price of fish in Congo DRC

Les travailleurs des mines de cobalt industrielles en RDC basculent davantage dans la pauvreté

Un calcul actualisé du salaire de subsistance révèle que les travailleurs des mines qui contribuent à la transition énergétique sont laissés pour compte

« Partout dans le monde, les entreprises engagées dans la transition énergétique semblent réaliser des bénéfices records, tandis que les travailleurs congolais qui mettent le cobalt à la disposition des marchés mondiaux s’enfoncent de plus en plus dans la pauvreté. Le passage aux énergies propres doit être une transition juste, pas une transition qui impose aux travailleurs congolais des conditions de vie de plus en plus désastreuses. »

– Josué Kashal, directeur du CAJJ

« Verser un salaire décent aux travailleurs congolais au cœur de la transition énergétique devrait être facilement réalisable pour les sociétés minières, dont beaucoup génèrent des profits records. Rien ne peut justifier l’absence d’augmentation des salaires à un niveau de base décent pour la main-d’œuvre congolaise. Les constructeurs automobiles qui utilisent le cobalt de la RD Congo dans les batteries rechargeables des véhicules électriques devraient s’assurer qu’il provient de sources responsables et qu’il n’est pas produit aux dépens de travailleurs congolais exploités. »

– Anneke Van Woudenberg, directrice exécutive de RAID

Une nouvelle étude sur le « salaire de subsistance » publiée aujourd’hui révèle que les travailleurs congolais des plus grandes mines industrielles de cobalt du monde en République démocratique du Congo, essentiels à la transition énergétique, basculent de plus en plus dans la pauvreté. Le cobalt est considéré comme un minerai indispensable pour la fabrication des batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques (VE). Plus de 70 % du cobalt mondial est extrait à Kolwezi, en RD Congo.

Un nouveau calcul du coût de la vie à Kolwezi amène le niveau minimum du salaire de subsistance à 480 USD par mois, soit une hausse de 78 USD par rapport à l’estimation précédente datant de 2021. L’inflation mondiale et la crise du coût de la vie ont multiplié par plus de six le prix des cultures de base telles que le manioc et le maïs, tandis que le prix des légumes, de la viande et du poisson a grimpé de 50 %.

« Les prix des produits de base sur les marchés de Kolwezi ont considérablement augmenté en raison des turbulences économiques mondiales, mais les salaires versés aux travailleurs des mines industrielles de cobalt en RD Congo sont dans l’ensemble restés stables », a déclaré Josué Kashal, directeur du Centre d’Aide Juridico-Judiciaire (CAJJ).

RAID, un organisme de surveillance des activités des sociétés basé au Royaume-Uni, et le CAJJ, un centre d’aide juridique congolais basé à Kolwezi et spécialisé dans les droits du travail, ont réalisé l’étude en appliquant la méthodologie du panier de dépenses minimum (Minimum Expenditure Basket, MEB) élaborée par les Nations Unies et les agences humanitaires.

RAID et le CAJJ ont appliqué cette même méthodologie en 2021 lorsqu’ils ont publié le tout premier calcul du salaire de subsistance pour les travailleurs des mines de cobalt industrielles à Kolwezi. Le calcul actuel crée un instantané du coût des produits et services essentiels en date de janvier 2023.

Le précédent calcul du salaire de subsistance a été publié dans le cadre d’un rapport détaillé qui a révélé un système d’exploitation généralisée des travailleurs miniers congolais dans cinq mines industrielles à grande échelle. Les plus touchés sont les milliers de travailleurs embauchés par le biais de sous-traitants, qui représentent 57 % de la main-d’œuvre des mines. Les recherches ont montré que les travailleurs reçoivent des salaires très faibles et qu’ils sont soumis à un temps de travail excessif, à des traitements dégradants, à des violences, à des discriminations, à du racisme, à des conditions de travail dangereuses et à un non-respect de la couverture santé de base. Selon les recherches de RAID et du CAJJ, 63 % des travailleurs sous-traitants interrogés en 2021 et 2022 gagnaient beaucoup moins que le salaire de subsistance, qui, d’après les calculs, s’élevait à 402 USD par mois à l’époque.

Les mines industrielles en RD Congo sont exploitées par des sociétés minières multinationales, y compris des sociétés européennes et chinoises, dont beaucoup ont annoncé des bénéfices exceptionnels considérables l’année dernière. Par exemple, le géant minier suisse Glencore, qui exploite deux des mines de cuivre et de cobalt les plus productives de RD Congo, a récemment publié des bénéfices de 34,1 milliards d’USD, soit une hausse de 60 % par rapport à l’année précédente. Les actionnaires de Glencore ont perçu 7,1 milliards d’USD de gains.

RAID et le CAJJ ont estimé que le coût annuel du versement d’un salaire décent aux 4 874 travailleurs employés en sous-traitance en 2021 à la mine de Katanga Copper Company (KCC) de Glencore, sa plus grande mine de cobalt, représenterait moins de 0,1 % des bénéfices réalisés par la société l’an passé.

RAID et le CAJJ ont exhorté les sociétés d’extraction du cobalt opérant en RD Congo à verser à tous les travailleurs le salaire de subsistance minimal, qu’ils soient embauchés directement par la société minière ou indirectement par l’intermédiaire de sous-traitants. Les groupes ont également appelé les constructeurs de VE, les fabricants de batteries et les raffineurs à mettre fin aux contrats avec les fournisseurs de cobalt qui ne prennent pas de mesures pour remédier à l’exploitation des travailleurs.

Notes:

La mine de KCC de Glencore est l’une des cinq mines étudiées par RAID et le CAJJ. Les autres étaient : Tenke Fungurume de CMOC, Metalkol d’Eurasian Resources Group, Sino-congolaise des mines (Sicomines) et Société minière de Deziwa (Somidez). En 2021, Glencore employait dans sa mine de KCC 11 110 travailleurs, dont 44 % étaient des travailleurs recrutés par le biais de sous-traitants. Si l’ensemble des 4 874 travailleurs congolais embauchés en sous-traitance travaillant pour KCC gagnaient le salaire de subsistance mensuel de 480,37 USD, l’enveloppe annuelle des salaires à la mine s’élèverait à au moins 28 millions d’USD (plus les impôts et les avantages), ce qui représente environ 0,1 % des bénéfices réalisés par la société l’année dernière.

Pour consulter la version intégrale du calcul du salaire de subsistance et la méthodologie, cliquez ici. Pour en savoir plus ici.