Déclaration de Transparency International, RAID et CAJJ
Trois groupes de lutte contre la corruption et de défense des droits de l’homme ont exhorté le ministère américain de la Justice à payer des indemnités aux anciens employés du secteur de la santé en République démocratique du Congo (RDC) ayant subi un préjudice personnel et financier à la suite de la corruption de la multinationale Glencore.
Aujourd’hui, Transparency International, l’organisme de surveillance britannique RAID et le centre d’aide juridique de la RDC CAJJ ont déposé une demande officielle au ministère américain de la Justice, réclamant qu’une partie des 262,6 millions de dollars de pénalités financières payées par le géant multinational des mines et des matières premières Glencore soit allouée aux victimes congolaises ayant souffert de sa corruption.
Ce dépôt de demande intervient deux ans après que la société basée en Suisse a plaidé coupable à des pots-de-vin étrangers et à des stratagèmes de manipulation du marché pour ses activités commerciales dans plusieurs pays, y compris la RDC. Un arrangement a ensuite été conclu avec les autorités du Brésil, du Royaume-Uni et des États-Unis, obligeant Glencore à payer 1,1 milliard de dollars américains, en amendes et pénalités combinées.
Selon les conclusions du ministère américain de la Justice, Glencore a versé au moins 100 millions de dollars de pots-de-vin à des agents publics dans plusieurs pays entre 2007 et 2018. Il a été constaté que la société avait versé au moins 27,5 millions de dollars en pots-de-vin rien qu’en RDC pour obtenir d’importants avantages commerciaux concernant ses opérations minières. En décembre 2022, Glencore a versé 180 millions de dollars supplémentaires aux autorités de la RDC pour couvrir toute autre réclamation au sujet d’actes de corruption présumés.
Dans une décision encourageante de février de l’année dernière, un juge fédéral américain a également ordonné à la société de verser 30 millions de dollars supplémentaires en restitution à Ian et Laurethe Hagen, les fondateurs de Crusader Health, qui fournissaient des services médicaux aux travailleurs miniers congolais de Glencore ainsi qu’à leurs familles. Le prestataire de soins de santé s’est effondré après que Glencore a versé un pot-de-vin à un juge congolais pour qu’il rende une décision favorable dans un litige contractuel. Des dizaines d’employés, incluant des infirmières, des nettoyeurs, des jardiniers, des chauffeurs et du personnel administratif, ont alors perdu leur emploi. Le juge américain n’a pris aucune disposition pour les employés congolais touchés car ils n’étaient pas représentés devant le tribunal.
Afin de s’assurer que les victimes congolaises de la corruption ont été identifiées, les chercheurs de RAID et de la CAJJ ont recueilli les preuves et les témoignages de 28 des anciens employés. Ils ont décrit les difficultés importantes causées par la perte de leur emploi, notamment le fait de ne recevoir que peu ou pas d’indemnité de départ, des périodes de chômage prolongées et l’obtention d’un salaire inférieur dans le cadre d’un emploi ultérieur.
Le dépôt de demande formel a été présenté par l’avocat représentant les intérêts des anciens employés, Mark Silver, à la Section du blanchiment d’argent et du recouvrement d’avoirs du ministère de la Justice pour examen, dans le cadre de leur procédure de remise administrative.
Anneke Van Woudenberg, directrice exécutive de RAID, a déclaré :
« Il existe un lien indéniable entre la corruption de Glencore, l’effondrement de Crusader Health et les difficultés personnelles endurées par ses employés congolais. Pourtant, parce que ces travailleurs n’ont pas les moyens d’accéder aux tribunaux américains, ils n’ont pas eu la possibilité d’être entendus ou de demander d’indemnisation. La corruption n’est pas un crime sans victime et il y en a probablement beaucoup d’autres qui ont souffert des stratagèmes illégaux de Glencore. Il est temps que des efforts globaux soient déployés pour identifier et indemniser les personnes touchées, en particulier les plus vulnérables. »
Selon Maíra Martini, responsable des politiques et du plaidoyer (par intérim), Transparency International :
« C’est très bien que Glencore commence à voir des conséquences pour les dizaines de millions de pots-de-vin versés à des fonctionnaires en RDC, et nous nous félicitons du travail que le ministère américain de la Justice a effectué pour reconnaître l’impact de la corruption de Glencore sur certaines des victimes. Cependant, Glencore n’aura pas pleinement rendu des comptes tant que la justice ne sera pas rendue à toutes les victimes de leurs crimes. Ce dépôt de demande visant à obtenir justice pour les victimes en RDC représente une occasion unique pour le ministère de la Justice de fournir un résultat plus équitable pour ceux qui ont souffert des actions de Glencore.
« Malheureusement, la corruption transnationale a été traitée comme un crime sans victime pendant beaucoup trop longtemps. Les victimes ne reçoivent généralement pas d’indemnisation lorsque les affaires de grande corruption font l’objet d’enquêtes fructueuses et que les entreprises sont frappées d’amendes et de pénalités. Les pays doivent mettre en place des mécanismes transparents et responsables pour garantir que la justice soit appliquée pour ceux qui souffrent directement de cette corruption. »
Josué Kashal, avocat, CAJJ, a déclaré :
« Les victimes de la corruption dans les pays du Sud sont souvent ignorées par les tribunaux étrangers et nationaux. Au Congo, l’impact des actes de corruption de Glencore a été grandement ressenti, même si les détails n’étaient pas largement connus. Lorsque Crusader Health a fermé ses portes, les répercussions sur les employés ont été dévastatrices. Sans accès viable à la justice par le biais des tribunaux locaux de la RDC, ces victimes n’ont quasiment aucune possibilité de recours. Nous espérons que le ministère américain de la Justice examinera sérieusement notre dépôt de demande et s’attaquera aux graves dommages subis par les agents de santé congolais à cause de la corruption de Glencore. »
Voir également :
- Transparency International (document de travail), Tackling Grand Corruption Impunity: Proposals for a Definition and Special Measures (2023)
- RAID (article), When will prosecutors identify and compensate overseas victims of corruption? (2020)
- RAID (rapport), Les Victimes de la Corruption au Congo (2020)
- RAID (déclaration), Seismic Change Needed at Glencore (2022)